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Architecture en Afrique sub-saharienne état des lieux et perspectives par Daniele Diwouta Kotto Architecte

Architecture en Afrique sub-saharienne ; Etat des Lieux & Perspectives: Intégrer, Innover, Communiquer S’il existe un domaine où l’Afrique d’aujourd’hui, bien que dynamique et « réveillée », ne trouve pas d’expression structurée, c’est bien l’architecture. En effet, l’Afrique se

Architecture en Afrique sub-saharienne ; Etat des Lieux & Perspectives: Intégrer, Innover, Communiquer

S’il existe un domaine où l’Afrique d’aujourd’hui, bien que dynamique et « réveillée », ne trouve pas d’expression structurée, c’est bien l’architecture. En effet, l’Afrique se construit de toutes parts et sans limite. Ce foisonnement nous permet de comprendre l’évolution et l’aspiration de nos cités. A travers ce prisme, on se rend compte que les architectures historiques et traditionnelles ont fait place à des expressions très différentes d’occupation des espaces ; expressions qui se renouvellent à partir de leurs propres codes.

Rétrospective

Il y a peu, trop peu, d’architectes en Afrique subsaharienne. A l’exception des pays comme l’Afrique du Sud ou le Nigéria, les écoles d’architecture y sont récentes. Dans les années 1980, les pays les mieux lotis n’en comprenaient qu’une centaine. Trente ans plus tard, on peut considérer que le chiffre a triplé, mais cela reste insuffisant. L’absence et la méconnaissance des métiers d’architecte et d’urbaniste ont freiné le développement du domaine de la construction dans nos pays.

Après les Indépendances, les quelques architectes locaux isolés ou appuyés par des cabinets européens marquent le paysage par des commandes publiques d’envergure (palais présidentiels, immeubles ministériels, palais de justice, aéroports, gares, facultés, écoles, hôpitaux, banques publiques, marchés, cités de fonctionnaires…). De nouvelles formes sont expérimentées, répondant à des urbanités rapides. Ces oeuvres restent reconnaissables et structurent encore l’espace bâti, bien que souvent dégradées ou modifiées pour d’autres usages. Cette ère de prospérité dure le temps que se mettent en place les infrastructures nécessaires à tout fonctionnement urbain.

Dès les années 50, on perçoit déjà de nouveaux styles d’architecture dont le modernisme, bousculant la typologie arrêtée au style colonial des villas et bâtiments officiels. Ce modernisme est caractérisé par sa capacité à construire avec peu de matériaux différents (dont le béton) et à s’adapter au climat (brise-soleil permettant une ventilation). Toutes nos villes comportent des exemples aboutis de cette époque. Parallèlement à ces modifications extérieures, liées au style, la ville africaine s’installe dans son fonctionnement.

Le « plateau », ville administrative et commerçante, ancienne ville  européenne, s’auréole de logements de fonctionnaires puis de tout ce qui ne rentre pas dans la trame d’urbanisation d’origine de la ville coloniale. Le privé prend le relais du public : les sièges des banques ou d’entreprises, habillés de verre et d’acier, apportent une expression nouvelle à l’architecture. On passe de la ventilation à la climatisation. Les espaces intérieurs restent généreux. Tout est conçu pour la foule. Cette nouvelle approche symbolise aussi une rupture avec la culture de l’empire colonial. Néanmoins, l’ « esprit africain » demeure dans le design des détails de  demeure dans le design des détails de façades, la décoration intérieure, et la pratique des espaces.

Architectures de compromis

La production de ces vingt dernières années révèle une architecture de compromis répondant à des nécessités fonctionnelles, économiques et basiques. Les architectures remarquables restent d’exception. La typologie des projets est passée d’édifices prestigieux à des sujets plus communs comme les immeubles de logements ou bureaux surmontant un rez-de-chaussée commercial, souvent formatés dans un volume ne dépassant pas sept niveaux. Les plans d’immeubles circulent, s’échangent, et plus que jamais il s’agit de reproduire ce qu’on a vu « en vrai » ou dans les magazines, imposés comme sources de création.

L’environnement n’est pas préparé à l’amélioration du processus de construction par l’architecture « ordinaire ». Les architectes sont ingénieurs et vice-versa. Les entreprises bâtissent directement en omettant le concours de ces derniers. On est dans une réalité économique du « lowcost » rapide. Les modèles se chevauchent. L’africain voyage beaucoup. A l’Afrique du Sud des années 90, a succédé l’engouement pour Dubaï et pour la Chine avec ses foires géantes de matériaux. La commande publique qui pourrait offrir des projets aux programmes diversifiés reste confidentielle. Sa production insuffisante ne stimule pas le privé comme il se devrait et n’impacte pas vraiment le paysage. On n’observe pas de réel débat sur l’architecture, ni sur l’urbain, en dehors des colloques politisés aux discours peaufinés.

Ceci reste une trame générale. Il y a des villes plus cohérentes, plus agréables que d’autres. Toujours est-il qu’il en résulte une non-architecture constituant l’essentiel du bâti urbain. Déroutante, quelques fois intéressante, toujours significative, il faudrait réussir à insérer cette non architecture dans un discours urbain, à en interpréter les codes, plutôt que de l’ignorer.

Architectures d’avenir

L’absence de matériaux industriels innovants et la capacité réduite de mise en oeuvre audacieuse des entreprises de construction forgent une approche pragmatique mais créative. Des solutions simples mais ingénieuses sont expérimentées à partir de matériaux bruts (métal, bois, cuir, ciment) détournés à des fins sortant de l’usuel. La qualité de l’espace en surface et en volume, de la lumière, de l’environnement végétal revient au centre du projet. Des fondamentaux dénués d’artifices. Les projets éprouvés s’inscrivant le mieux dans ce courant nouveau portent sur des équipements sociaux, culturels voire touristiques. Là, l’architecture se donne l’occasion de sortir de son rôle d’objet auto-satisfait pour impulser l’environnement au plan social.

On peut citer : les Amphibious Dwellings d’Akinlabi A.Afolayan &Niles Borton Associates ou la Makoko Floating School de Kunle Adeyemi, architectures flottantes aux abords de Lagos au Nigéria.Toujours autour de l’eau, mais à l’échelle urbaine, le traitement du Waterfront de Mombasa au Kenya, dans un concept de développement durable par Maranga Njoroge (NLE) et Benedette Nthale, est une leçon de ce qu’il faudrait faire. Ecoles et orphelinats, donnent aussi l’occasion d’utiliser les ressources locales dans un cadre participatif. Les écoles appelées à être reproduites élaborées par East Coast Architects de Durban changent les standards des plans types. Celles réalisées par Kere au Burkina Faso ou par Toma Berlanda à Kigali relèvent du même esprit. La poésie du vernaculaire s’exprime dans ces matériaux accessibles et peu coûteux. Des matériaux courants sont détournés pour les Sandbags houses de Luyanda Mphalwa dans le Freedom Park de Cape Town. Les nombreux projets sociaux de Carin Smuts en Afrique du Sud, dont le Multipurpose Center, ont apporté modernité et gaieté dans des banlieues parfois arides. Certains pays expriment une volonté politique d’analyse de l’histoire. Ainsi en Afrique du Sud : le Musée contre l’Apartheid de Noero Wolff, le Nelson Mandela Museum de Cohen & Judith,

les Musée de Peter Rich et bien d’autres. Le plan urbain de Ouagadougou au Burkina est quant à lui rythmé par les places et statues racontant l’histoire révolutionnaire récente du pays… À mon sens, c’est dans cette production portée par des programmes sortant des stéréotypes, aux thèmes définis par de nouvelles pratiques de l’espace, que s’échafaude le futur de l’architecture en Afrique. Ces projets diffèrent du style « international » et s’appuient sur les spécificités de chaque lieu. A condition d’être bien médiatisés, ils devraient interpeller les pouvoirs politiques et industriels afin de les conscientiser à une échelle urbaine, sur une vision créative d’ensemble à mettre en place: Recréer le lien distendu entre l’architecture et l’urbanisme ; les bâtiments devraient suivre l’urbanisme et non l’inverse

— Mettre en valeur un urbanisme de détail; apprivoiser la ville et la rendre accessible à tous

— Aplanir les contrastes sociaux; toutes nos grandes villes africaines ont cette arrière-cour persistante de déshérités vivant sans eau, ni électricité, aux pieds de quelques tours

— Régénérer et non nier les centres historiques, afin d’en tirer des leçons pour la création incontournable de villes nouvelles

— Intégrer l’architecture «sans architectes» en analysant sa typologie

— Augmenter les transports en commun sont les défis d’aujourd’hui et de demain de la ville africaine.

Il y a de la place pour toutes les expressions qui reflètent notre multiculturalisme, mais trouver un fil conducteur me paraît indispensable afin de donner plus de cohérence visuelle à nos villes. Par conséquent, une expression plus harmonieuse de notre identité est nécessaire à nous les africains citadins, écartelés entre ce que l’on est, ce que l’on croit être et ce qu’on voudrait devenir.

Douala, Cameroun 10.04.2014

Daniele Diwouta Kotto Architecte franco-camerounaise née en 1960, diplômée de l’Ecole d’architecture de Paris-Villemin, Danièle Diwouta dirige un cabinet d’architecture à Douala.

Source catalogue YAA

nicouer@yahoo.fr

Architecte diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble, Consultant en Innovation, Steve est le fondateur et directeur de publication du webmagaine archicaine.

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