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BENIN: Réfléxion sur les limites des interventions des architectes et des urbanistes dans l’habitat rural.

REFLEXION SUR LES LIMITES DES INTERVENTIONS DES ARCHITECTES ET DES URBANISTES DANS L'HABITAT RURAL AU BENIN De tous les domaines d'intervention des architectes et des urbanistes et très nombreux sont ces domaines - l'habitat rural me

REFLEXION SUR LES LIMITES DES INTERVENTIONS DES ARCHITECTES ET DES URBANISTES DANS L’HABITAT RURAL AU BENIN

De tous les domaines d’intervention des architectes et des urbanistes et très nombreux sont ces domaines – l’habitat rural me semble avoir le moins profité des efforts exceptionnels qu’a signifié depuis vingt-cinq ans le combat de l’Ordre National des Architectes et des Urbanistes du Bénin pour un cadre de vie meilleur dans notre pays.

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Et pourtant, nombreux sommes-nous à avoir réalisé, ni vus ni connus, des études et des projets dans ce domaine.Alors, pourquoi cette lacune et comment y remédier ? Considérons d’abord le terme habitat rural au sens large, comme cadre de vie et de travail des populations à la campagne et comme synthèse de l’ensemble des éléments concourant à l’environnement dans lequel vivent et s’épanouissent ces populations. Ainsi, le cadre naturel dans lequel se fondent les paysans et qui leur fournit l’essentiel de leurs moyens de subsistance, les matériaux de construction, les logements et les conditions d’hygiène, les déplacements, l’accès aux équipements de base que sont les centres de santé et les écoles, les lieux de culte, les lieux d’échange que sont les marchés, les aires de réjouissance, … etc. sont autant de secteurs d’études et de projets qui conditionnent la vie en milieu rural et qui relèvent des interventions des architectes et des urbanistes.

Importance des interventions des architectes et des urbanistes en  milieu rural

Comment pourrions-nous atteindre les résultats nécessaires à la nation en agriculture, en agroforesterie, en élevage, pêche et chasse, … artisanat, folklore d’origine rurale…etc., si les campagnes ne sont pas suffisamment prises en compte et si l’amélioration de l’habitat en milieu rural ne devient pas une processus permanent dans notre pays ?

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Nous devrions considérer qu’un déficit d’interventions dans l’habitat est presqu’aussi préjudiciable en milieu rural qu’en milieu urbain. En effet, malgré toutes nos perspectives de croissance rapide de la population urbaine, la plupart de nos compatriotes continueront encore longtemps à vivre à la campagne et à en tirer l’essentiel de leurs revenus. Par ailleurs, les villes continueront de dépendre indéfiniment des campagnes et seront pénalisées par les limites de celles-ci. Nous pourrions donc considérer que longtemps encore, le champ d’intervention des architectes et des urbanistes sera aussi vaste en milieu rural qu’en milieu urbain. Comment expliquer dope les limites de ces interventions et comment y remédier ?

Les limites de la société béninoise

Les limites de la société béninoise face à sa conception du monde rural constituent la première source de freins au développement des interventions des architectes et des urbanistes.

Les premières limites semblent donc avant tout psychosociologiques. A l’époque coloniale, la ruralité était signe de retard, sinon d’arriération et de dépendance et le monde rural signifiait un monde peu ouvert sur le progrès. Le colonisateur a d’ailleurs contenu l’expansion urbaine au profit de la vie ancestrale à la campagne, cette campagne assurément moins turbulente que la ville et fournissant de surcroit les produits agricoles de rente fort prisées en ces temps là.

Aussi, l’indépendance, revanche sur la colonisation, prit rapidement l’orientation que nous connaissons, à savoir un développement urbain accéléré faisant de l’ombre au monde rural symbole d’un monde ancestral peu capable d’évolution et relégué à un passé que l’on voudrait gommer avec le départ du colonisateur. Abandon des travaux champêtres et exode rural massif constituent, au Bénin comme dans beaucoup de pays africains des marques indélébiles des années des indépendances. La ville, auréolée de mille feux, difficilement accessible à l’époque coloniale, devint un bien commun à tous les habitants du pays. Et la capitale économique devenait un vaste (à l’échelle du pays) bassin d’empois qui justifiait toutes les migrations. Cette appropriation de la ville alla de pair avec l’abandon des campagnes et la croissance des dotations à l’habitat urbain et à l’équipement des villes. Les zones rurales étaient invitées à se nourrir et à nourrir les citadins, sans grandes contreparties d’autant plus que les prix des denrées agricoles devaient être bas pour assurer la paix du ventre en ville. Les paysans eux-mêmes semblaient ne pas tellement nourrir de rêves grandioses pour le développement des campagnes, à moins qu’ils aient été résignés depuis trop longtemps et qu’ils considéraient qu’à chaque étape de leur vie, le minimum vital était déjà une bénédiction.

Les limites de la contribution de la puissance publique

Ce qui était vrai pour la société l’était aussi pour les gouvernants. La puissance publique voulut organiser la ville comme vitrine de ses réalisations dès les débuts d’indépendance, d’autant plus que la population le désirait. Cette approche est valable pour beaucoup de pays africains et l’on s’extasiait sur les brillantes réalisations de Félix Houphouët-Boigny à Abidjan et à Bouaké d’abord et, plus tard, à Yamoussoukro. Le paradoxe est que Félix Houphouët Boigny, qui a tant magnifié la ville, s’était appuyé sur la culture du café, du cacao et d’autres produits d’une agriculture de rente pour avoir les moyens de ses ambitions urbaines. Mais au Bénin, les campagnes  souffrirent beaucoup, autrement plus qu’en Côte d’Ivoire. Et les proclamations des régimes politiques successifs, y compris, sinon surtout des régimes militaires, ne furent point suivies de réalisations effectivement probantes au profit des campagnes qui s’étiolèrent. La ville domina la campagne sans coup férir.

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Des choix intégrant peu d’interventions dans l’habitat rural

On ne saurait dire que rien n’a été fait dans les campagnes depuis l’indépendance. On peut même affirmer que malgré la primauté accordée à la ville, quelques timides tentatives de promotion généralisée des campagnes ont été réalisées, même si elles n’ont pas porté les fruits qu’en attendaient les responsables. Il est évident qu’aujourd’hui encore, notre pays cherche les modes d’intervention efficaces pour le développement des campagnes. Ainsi les interventions dans l’habitat rural n’ont pas été monnaie courante dans notre pays. Laissés à eux-mêmes, les habitants des campagnes n’ont pu faire face à leurs préoccupations immédiates qu’en termes sommaires, juste le nécessaire pour subsister, contrairement à la ville où des programmes publics d’équipement et d’aménagement et des interventions lucratives privées ont été développés. Cela nous montre encore que le rôle des pouvoirs publics s’avère incontournable pour le développement de l’habitat rural. En l’absence des choix nationaux ou départementaux, point d’interventions efficaces dans l’habitat rural, même si l’initiative des populations elles-mêmes n’est pas pour autant à négliger.

Des idées avant le financement

Il ne s’agit pas de penser immédiatement aux moyens financiers. Ce sont les idées et leur application qui ont manqué et les choix qui n’ont pas été correctement faits pour aider l’habitat rural. Et puisque les ruraux eux-mêmes ne pouvaient pas s’aider efficacement dans ce domaine, l’habitat rural est resté un parent pauvre du développement global dans notre pays. Soit dit en passant, il semble bien que nous ayons une vision erronée de l’argent et, partant, des rapports ambigus et délétères avec ce qui ne devrait être qu’un moyen et non une fin, un serviteur et non un maître. Sans objectifs clairement définis, sans planning sérieux et sans suivi des interventions, dans le domaine de l’habitat rural comme dans les autres domaines, aucun résultat remarquable n’était à espérer, quelles que puissent être par ailleurs les dotations disponibles.

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Les limites des interventions des architectes et des urbanistes

Une mauvaise compréhension des contenus et des modes de déroulement des missions des architectes et des urbanistes amènent tant de personnes à attribuer à ces derniers les énormes lacunes de notre environnement et de nos cadres de vie. S’il ne tenait qu’aux «maîtres» de l’art, environnement, cadres de vie, bâtiments et ouvrages divers, jardins et objets d’art seraient magnifiquement maîtrisés et à la disposition de tous. Seulement, ils ne sont et ne sauraient être que des  hommes » de l’art et non des décideurs. Car quel architecte pourrait décider de lui-même, d’aller construire un lycée dans telle ou telle zone du pays, même si le besoin se faisait sentir, si l’Etat, les Collectivités locales, les parents d’élèves,… n’en ont pas décidé ainsi.

Quelle équipe d’urbanistes et d’ingénieurs pourrait décider, d’elle-même et à ses frais d’entreprendre le tracé et l’assainissement d’un quartier de la banlieue d’une grande ville ? Ceci explique clairement les limites, dans le domaine de l’habitat rural, des interventions des architectes, des urbanistes, des géomètres, des ingénieurs et généralement de tous ceux qui concourent à l’amélioration du cadre de vie. Ainsi, de nombre d’études et de projets, en dehors des études et des projets liés aux équipements de base, réalisés par divers ministères ayant eu en charge l’habitat dans notre pays sont restés sans suite. Souvent, les études et les projets élaborés par les architectes et les urbanistes et concernant les campagnes n’ont connu aucun début d’exécution. Parfois même, des projets dont la mise en œuvre ne nécessiterait que de très faibles dotations n’ont pu pas se concrétiser. Cela explique le manque de lisibilité concernant les efforts de l’Ordre National des Architectes et des Urbanistes du Bénin en faveur des campagnes. Et la Caravane de l’Habitat que l’Ordre a fait circuler du sud au nord du Bénin, et les expositions sur l’habitat, et les rencontres avec des responsables et tant d’autres actions sont restées inconnues en milieu rural, comme si ces efforts n’engageaient que les architectes et des urbanistes.

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Quelle démarche désormais ?

De nombreux exemples montrent que la décentralisation n’a pas encore changé les choses. En milieu urbain, le dialogue avec les responsables demeure encore faible et inopérationnel, à plus forte raison en ce qui concerne les campagnes. Pourtant, nous ne saurions considérer que les efforts devraient cesser parce que nous ne sommes pas entendus. L’Ordre National des Architectes et des Urbanistes du Bénin devrait continuer d’être la voix qui crie dans le désert que, en milieu rural aussi, l’amélioration du cadre de vie participe au développement économique, social et humain et que dans ce domaine tout est à entreprendre.

Il importe aussi que dans des domaines encore plus complexes sur les plans psychologiques et sociologiques que sur les plans techniques, on ne progresse que par l’action. Il ne saurait y avoir une maîtrise parfaite du cadre de vie en milieu rural sans de vastes programmes incitant à une implication profonde des architectes, des urbanistes et des ingénieurs dans des domaines largement négligés à ce jour. En diffusant les images de la misère du cadre de vie en milieu rural, nous devrions sensibiliser les populations à la nécessité d’exiger que partout, le cadre de vie bénéficie d’une attention soutenue. Il importe que des dotations conséquentes soient allouées à l’émergence de cadres de vie épanouissants en milieu rural et que les efforts d’équipement et d’aménagement réalisés en milieu urbain aient leurs pendants en milieu rural. Les écueils liés aux aspects techniques et financiers ne seraient que très provisoires dès lors que la volonté politique serait au rendez-vous.

Nul ne saurait ignorer les efforts louables qui ont été réalisés par le Gouvernement et les partenaires au développement dans les zones rurales, en particulier dans le cadre des équipements de santé primaire, de l’enseignement de base, l’alimentation en eau potable à partir de forages, d’électrification rurale, … Par ailleurs, les villes moyennes et les petites villes, centres chacune d’un terroir rural, ont bénéficié ou bénéficieront de programmes de développement urbain. Nul ne saurait donc ignorer les programmes d’équipement en cours et les perspectives d’amélioration que tout le monde espère.

Nul n’ignore non plus les contraintes de tous ordres. Et on ne saurait dire il suffit de.. » ou « il n’y a qu’à… » Mais nous avons perdu tellement de temps depuis de longues années et le retard de l’habitat rural est phénoménal. Cependant, en décidant de promouvoir les campagnes, en y mettant le prix, en programmant des opérations, parfois simples et en pilotant la mise en œuvre, il sera possible de réduire progressivement le retard paralysant qui caractérise l’habitat et, partant la vie en milieu rural. Les architectes, les urbanistes, les ingénieurs et tous les acteurs du cadre de vie pourront faire valoir leurs efforts pour l’amélioration du cadre de vie en milieu rural dans notre pays.

Gilbert AHODI Architecte DPLG-Urbaniste Ingénieur Civil des Ponts et Chaussée

nicouer@yahoo.fr

Architecte diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble, Consultant en Innovation, Steve est le fondateur et directeur de publication du webmagaine archicaine.

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