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Interview de l’architecte japonais Takeshi Hosaka

[vc_row][vc_column][vc_column_text]En décembre 2012, Carol Aplogan, photographe d’architecture entre autres, rencontrait l’architecte Takeshi Hosaka au sein de son agence située dans la banlieue de Tokyo, à Yokohama. L’occasion de découvrir que le moindre projet, aussi «petit»

En décembre 2012, Carol Aplogan, photographe d’architecture entre autres, rencontrait l’architecte Takeshi Hosaka au sein de son agence située dans la banlieue de Tokyo, à Yokohama. L’occasion de découvrir que le moindre projet, aussi «petit» soit-il, doit accueillir tous les éléments terrestres, sans oublier le ciel.

Contexte :
Munie d’un plan bien détaillé de la ville, mon matériel en bandoulière, me voilà partie à la rencontre de Takeshi Hosaka, rencontre que je prépare depuis un peu plus d’un mois.
Cet architecte japonais a surgi un jour en images dans mon ordinateur. De lui, je n’ai compris que la poésie des oeuvres construites. Sa capacité à transformer des espaces par définition amoindris au Japon va de pair avec une écriture généreuse autant que minimaliste. A chaque projet que je découvrais, surgissait une interrogation. Il a donc bien fallu aller à sa rencontre pour lui poser ces questions, comprendre son écriture, son parcours, le pourquoi, le comment, le qui et le quoi…
Arrivée à Yokohama en train, je m’oriente selon le plan que m’a envoyé Jonas, jeune Belge ayant étudié à Glasgow et réalisant un stage au sein de l’agence de Takeshi Hosaka. C’est d’ailleurs lui qui m’accueille lorsque je frappe à la porte de l’agence, située au cinquième étage d’un immeuble juxtaposé sur un parking, que j’ai eu du mal à trouver tant je m’en étais fait une toute autre image. Aucune enseigne, aucune inscription.
Dans cette agence de petite taille, partout des livres couvrent les murs et cinq personnes travaillent face à leur poste, stagiaires y compris. Etant en avance, Jonas me propose une balade sur le port de Yokohama. De retour à l’agence, Takeshi Hosaka est arrivé. Accompagnée de son épouse, accueillante et joviale, il me présente sa carte de visite ainsi qu’une tasse de thé vert bien chaud. Je suis tout de suite à l’aise.

Issue d’un entretien filmé, l’interview est visible dans son intégralité (sous-titrages français et anglais) à l’adresse suivante

Carol Aplogan : Pourquoi avez-vous choisi de devenir architecte ?

Takeshi Hosaka : Lycéen, je songeais à deux métiers : pilote d’avion et architecte. J’ai d’abord voulu devenir pilote et je suis entré à l’Académie de la Défense Nationale (Bōei Daigakkō – 防衛大学校). Mais il s’est avéré que ma vue était trop faible…

Je ne sais pas pourquoi, j’ai ensuite choisi de devenir architecte. Je ne sais pas moi-même pourquoi j’ai choisi ces deux métiers parmi d’autres. Si je me force à donne une explication, je pense que c’est parce que, lycéen, ces deux métiers me faisaient rêver.

Comment acquiert-on suffisamment d’expérience pour passer de la théorie à la pratique, pour contrôler la mise en oeuvre d’un projet ?

Il n’est pas possible de se lancer dans le métier d’architecte dès la fin des études universitaires. Dans la plupart des cas, il faut d’abord acquérir de l’expérience dans un cabinet d’architecture. En effet, ce qu’il faut savoir et réaliser pendant les études d’architecture et ce qu’il faut savoir et réaliser réellement, dans la société, sont deux choses différentes.

Au sein d’un cabinet d’architecture, il faut compter au moins cinq ans pour apprendre à élaborer des plans, à comprendre les lois, à saisir les enjeux d’argent. Il faut commencer par travailler en agence durant environ cinq ans afin d’acquérir le savoir-faire nécessaire pour exercer le métier concrètement et devenir indépendant.

Combien de collaborateurs compte votre agence et qui sont-ils ?

Takeshi Hosaka : Ma femme, Megumi Hosaka, travaille à mes côtés et… [se tournant vers l’un de ses collaborateurs ] Tsugu ! Tu figures dans un film !

Tsugu Sakata :

Takeshi Hosaka : Tu peux parler en japonais.

Tsugu Sakata : Mon nom est Sakata, je travaille dans le cabinet de Hosaka depuis trois ans. J’ai obtenu mon master à l’Université Tōkai avant d’entrer ici.

Takeshi Hosaka : Tu es aussi allé en France.

Tsugu Sakata : Oui, j’y ai séjourné six mois pendant les études et je suis allé à l’ESA.

Takeshi Hosaka : Voici Nagato-kun, un autre collaborateur.

Ryo Nagato : Je m’appelle Ryo Nagato. J’ai fait mes études à l’Université Kokushikan et je suis entré ici sans attendre d’obtenir le master. J’avais par ailleurs déjà réalisé un stage ici en deuxième année de fac.

Takeshi Hosaka : Tu auras travaillé cinq ans au total avec nous. [Interpellant un autre collaborateur] Jonas !

Jonas : Bonjour, je m’appelle Jonas, je suis Belge et étudiant en architecture. J’ai étudié en Ecosse à la Mackintosh School of Architecture et j’ai eu la chance d’obtenir un premier stage au sein du cabinet de Hosaka. Cela fait trois mois que je travaille ici. J’apprécie beaucoup le Japon et les expériences ici.

[intervient alors Megumi Hosaka]

Megumi Hosaka : Bonjour, comment allez-vous ? Je m’appelle Megumi Hosaka, je suis la femme de Takeshi Hosaka. J’aime beaucoup mon travail ! A l’origine, je suis nutritionniste. Mais en rencontrant Takeshi Hosaka, il m’a convaincu que j’étais faite pour l’architecture et qu’il me fallait l’apprendre. Ce que j’ai fait tout en étant son élève. Et j’adore son architecture. Cela fait huit ans que nous travaillons ensemble et sept ans que nous sommes mariés.

Takeshi Hosaka : Neuf ans !

Megumi Hosaka : Neuf ans ? Et l’architecture est toute ma vie ! Voilà !

Comment construit-on au Japon? Quelle est votre définition de l’espace ?

Nombre de mes projets sont des petits bâtiments. Si l’architecte conçoit un projet en pensant qu’il est étroit, alors le bâtiment donnera l’impression d’étroitesse. Je choisis donc de ne pas penser que mes projets sont petits. Par exemple, ce club-house, dont les dimensions sont de 2,7 mètres par 10 mètres, est un petit espace. Mais, en le concevant, il ne faut pas penser que c’est un petit espace, il faut au contraire le ressentir grand pour lui conférer un sentiment de grandeur.

Toutes vos réalisations intègrent la végétation, qui est parfois symbolisée par un arbre traversant une maison.

Pourquoi ?

La terre est composée de quelques éléments clés : le soleil, la lune, les étoiles, les plantes, la végétation et les arbres, les animaux et nous autres, êtres humains. Sans oublier le ciel, le sol et l’eau… Dans l’Ancien Testament, dans la Genèse, la création du monde se fit en sept jours avec ces éléments essentiels.

Quelle que soit la dimension d’un bâtiment, l’important est que tous ces éléments y figurent. Il m’importe beaucoup que tout y soit. Ceci est ma philosophie.

Que transmettez-vous à vos étudiants de l’Université Kokushikan où vous enseignez ?

Je fréquente Kokushikan depuis l’âge de 28 ans. A l’époque, j’avais reçu un appel de la part du Pr. Joji Kunihiro, qui voulait savoir si j’avais envie d’y enseigner. J’ai 38 ans aujourd’hui donc ça fait dix ans. Ce que je transmets aux étudiants… c’est ce que je pense constamment. Pour créer une architecture, il faut avoir intégré des choses très variées et, en tout cas, il faut réfléchir tous les jours. Même pour des petits projets, il faut dessiner à la main et décrire le concept verbalement jour après jour.

Une idée par jour, sept idées par semaine, jour après jour, sans cesse. C’est ce que je leur dis de faire. Je vais à Kokushikan ou Hosei une fois par semaine et je regarde puis commente ce que chacun des étudiants a fait durant la semaine écoulée.

Souhaiteriez-vous travailler à l’extérieur du Japon ?

Il y a non seulement un, deux ou trois pays qui m’intéressent mais bien d’autres. Bien sûr, la France, l’Italie, l’Europe donc, l’Angleterre… voire Scotland (rires).

En tout cas, j’aurais envie d’y construire, plutôt que des bâtiments où prédomine la lumière artificielle, ceux que la lumière naturelle met en valeur, c’est-à-dire tous types de bâtiments, des églises, des bibliothèques, des écoles, des musées aussi… Bref, tous ces bâtiments auxquels la lumière naturelle confère toute leur beauté !

Propos recueillis par : Carol Aplogan

guy.cedric.konan@gmail.com

Gestionnaire Urbain / DIE-GU est diplômé de l'Ecole Africaine d'Architecture et d'Urbanisme de Lomé au Togo. Il est présentement Chef d'Agence Côte d'Ivoire chez KODJI Agency, mais aussi et surtout Rédacteur en chef bénévole chez Archicaine Webmagazine depuis 2013. Simple et dynamique, ce jeune ivoirien est passionné d'entrepreneuriat et de sport automobile.

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