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La maison innovante de Joe Osae-Addo, architecte ghanéen

[vc_row][vc_column][vc_column_text]Joe Osae-Addo, architecte ghanéen très sociable, vivait à Los Angeles, concevant des immeubles et agissant comme le coordinateur social non-officiel de la scène locale de l’architecture. Mais lors d’une visite au Ghana en 2000, il

Joe Osae-Addo, architecte ghanéen très sociable, vivait à Los Angeles, concevant des immeubles et agissant comme le coordinateur social non-officiel de la scène locale de l’architecture. Mais lors d’une visite au Ghana en 2000, il tomba sur Sara Asafu-Adjaye, une ancienne camarade de classe qui vivait alors à Londres et par la suite tomba amoureux. Les deux s’embarquent alors dans une relation à  distance, et rapidement Osae-Addo prépara une surprise à Asafu-Adjaye : il lui suggéra de construire une maison ensemble sur un terrain qu’il a reçu de sa mère dans sa ville natale, à Accra, capitale du Ghana. Celui-ci rappelle : « Nous voulions construire quelque chose pour cimenter notre relation ». « Je n’avais pas d’argent » répond Asafu-Adjaye, « Joe a donc dit qu’il la construirait et que je pourrai disposer de la propriété intellectuelle ».

Osae-Addo s’est lancé dans la conception d’une maison comme un test, qui deviendra un témoignage, de leur nouvelle vie de couple. Avec une passion pour le modernisme contextuel du finlandais Alvar Aalto, l’australien Glenn Murcutt et Ray Kappe de la Los Angeles, il a cherché à appliquer leurs leçons au Ghana. Ancienne colonie britannique, les maisons en blocs de bétons  de ciment importé d’Angleterre y sont devenues la norme urbaine. Selon Osae-Addo, « les espaces interstitielles et les paysages sont ce qui définit l’architecture tropical ». Il rajoute « ce n’est pas l’édifice mais plutôt l’exploitation des éléments – arbres, vent, soleil et eau – qui crée l’harmonie, pas la perfection que le modernisme désire tant. »

Insatisfait des maisons en blocs de béton d’Accra, l’architecte était déterminé à construire avec les matériaux trouvés principalement dans les zones rurales : bois et blocs de boue pisés. « Les briques d’adobe n’existent pas dans les villes au Ghana, ce qui signifie que je devais les fabriquer » déclare Osae-Addo. De plus, il ne voulait pas d’air conditionné dans un climat où la température moyenne peut approcher 35 degrés, avec une humidité dépassant 90 % (une idée qui n’a pas directement plu à celle qui deviendra sa femme).

La maison a été conçue par le couple, à  distance : Osae-Addo a réalisé les maquettes et les esquisses dans son studio de Los Angeles, les a envoyés par e-mail à sa fiancée à Londres. Elle répondait avec des considérations pragmatiques. « Initialement, je ne voulais pas d’un couloir entre les 2 chambres (celle des parents et celle de l’enfant) », se rappelle Osae-Addo, et « Sara a dit ‘Sûrement pas, on doit pouvoir avoir le petit à portée’ ». Leur fils Kwaku est né en 2003. Asafu-Adjaye se souvient de son scepticisme durant la phase de la conception : « Je savais que ça allait être beau, mais je ne savais pas si ça allait fonctionner ».

« Je voulais explorer l’idée de la lumière, la ventilation croisée, et la légèreté de la structure » Osae-Addo déclare à propos de leur maison à un étage et de 2 500 m². Aménagée en forme de L, avec des chambres et une salle TV dans une aile, la cuisine et le coin repas dans l’autre, la maison est entourée d’un balcon, inspiré à la fois des bungalows anglais coloniaux et des cours des maisons ghanéennes rurales. « Il n’y a pas de couloirs intérieur » déclare l’architecte, « donc les chambres s’étendent d’un mur à l’autre, permettant la libre circulation de la lumière et de l’air. On est toujours en train de se déplacer d’une pièce à l’autre. C’est une maison très intime ».

Le design suit la philosophie de la « non-climatisation » en élevant la structure d’un peu moins de 1 m au-dessus du sol, sur une plate-forme en bois afin de tirer avantage des brises sous-sol refroidissantes. Pour la ventilation croisée, la maison a des paravents coulissants faits de lattes en bois, ce que les voisins trouvaient fou dans le climat chaud et humide, ainsi qu’un système de jalousie pour les fenêtres. Le projet a bien sur présenté des difficultés, incluant « les limites en main d’œuvre, la disponibilité des matériaux, les conditions environnementales, et être prêt à adapter le design original ». Addo ajoute « il était tentant d’abandonner le concept original d’adobe, en raison de la difficulté de les faire nous-mêmes. On a réussi le quasi-impossible en prenant une main d’œuvre relativement peu qualifiée et en l’inspirant à penser différemment et à être ouvert à de nouvelles possibilités ». Bien que la maison soit reliée au système électrique, des panneaux solaires assurent une alimentation de secours pour l’éclairage et l’eau chaude, et des longs porte-à-faux en bois fournissent de l’ombre.

La construction a commencé en 2003 alors que le couple était en visite à Accra, et a pris fin à l’automne 2004. Osae-Addo, Asafu-Adjaye et leur jeune fils ont emménagé dans la maison juste avant son achèvement. Osae-Addo a trouvé tellement d’opportunités dans son secteur d’activité au Ghana qu’il a quitté Los Angles, tout en emmenant une part de la Californie avec lui. « Nous avons amené Los Angeles directement dans cette maison, depuis notre lit à nos canapés, à nos télévisions » affirme Osae-Addo. « Nous avons de l’électroménager et des équipements américains, incluant une cuisine Bulthaup complète que j’ai acheté lorsque j’étais à Los Angeles et stocké dans mon sous-sol ». Ils aiment la juxtaposition de la maison en terre et la cuisine Bulthaup, faisant remarquer avec amusement qu’une nouvelle coûterait plus que la somme raisonnable de 50 000 dollars nécessaire pour la maison entière.

Mais est-ce que cela fonctionne-t-il ? Même Asafu-Adjaye répond que oui, la maison reste fraîche. « Sara a dû revenir sur ses mots » nargue Osae-Addo. L’ombre des arbres aide aussi, tout comme le luxuriant parc qui a poussé sur ce qui était auparavant une terre aride et peu attirante. Asafu-Adjaye dit maintenant que la maison est « si confortable et agréable à vivre que je n’ai pas envie de sortir ». Son mari a repris un terme pour son approche de l’architecture moderne et contextuelle : « inno-native », et c’est une approche qu’il essaye d’appliquer à des projets d’appartements et de logements abordables au travers du Ghana. « On doit donner l’exemple » déclare-t-il. Avec une activité florissante à Accra, et sa propre maison en terre intelligemment construite, Osae-Addo a l’opportunité de justement y parvenir.

Article initialement publié dans le magazine Dwell, Living Landscapes, par Francis Anderton.

Traduction :  JOYCE MAVOUNGOU

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