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MAROC.Casa-Rabat,entretien avec Bruno Queysanne.

Entretien réalisé par Faysal El Hanaoui et Guillaume Haton à l'occasion de leur projet de fin d'étude sur l’agglomé­ration de Rabat-Salé et par extension à une fu­ture mégalopole Atlantique, conurbation incluant Casablanca. Qui est Bruno Queysanne? Historien

Entretien réalisé par Faysal El Hanaoui et Guillaume Haton à l’occasion de leur projet de fin d’étude sur l’agglomé­ration de Rabat-Salé et par extension à une fu­ture mégalopole Atlantique, conurbation incluant Casablanca.

Qui est Bruno Queysanne?

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Historien de l’espace architectural, cité dans la recension de K. Michael Hays Architecture, Theory, since 1968 (Columbia Books of Architeture), philosophe, chercheur et traducteur de l’allemand (notamment de Heinrich Wölfflin) et de l’italien (notamment des humanistes de la renaissance), éditeur.

Né à Casablanca en 1941, il fait ses études de philosophie à la Sorbonne de 1960 à 1964. Collègue de Louis Althusser et de Pierre Bourdieu dans le domaine de la sociologie culturelle de 1965 à 67, il est activement impliqué dans le mouvement de mai 68, enseigne la sociologie de l’architecture aux Beaux-Arts de Paris, (jusqu’en 1970) où il participe à la restructuration institutionnelle de la pédagogie de l’architecture qui succède à la grève générale. En 1971, il part à l’École d’architecture de Grenoble en vue d’y exercer l’étude et l’enseignement de la philosophie et de l’histoire. Son travail porte sur les périodes de la Renaissance et du Baroque et le début du mouvement moderne.Les formes urbaines qui convient de plus en plus sa réflexion : Pienza, Ferrara, San Francisco, Los Angeles, Chandigarh. (Extrait de la notice biographique de l’IRHA à l’occasion du colloque du CCA The Limits of Place in Architectural Discourse, mars 2002, Montréal CA). Puis professeur d’histoire à l’Institut des études sur Vico, — The Institute for Vico Studies, Atlanta (GA, The USA), dans la première décennie des années 2000. Lecteur invité à SCI-ARC — Southern California Institute of Architecture — (LA, CA, The USA) en 2004, et conférencier spécialiste de la Renaissance ou de la sociologie de la ville contemporaine, commissaire dans plusieurs expositions et colloques organisés par des universités étrangères, notamment sa participation en 2009 au cycle colombien de l’exposition internationale thématique “La Calle es nuestra…, de todos !” organisé par l’Université des Andes, à Bogota.

– Bonjour Mr. Queysanne, nous tenons tout d’abord à vous remercier de nous accorder cet entretien. Pour faire court, nous travaillons sur l’agglomé­ration de Rabat-Salé et par extension à une fu­ture mégalopole Atlantique, conurbation incluant Casablanca. Nous nous plaçons dans une vision prospective, en projetant sa croissance. Nous avons étudié les projets à l’échelle de cette aire, notamment celui du contournement de la co­nurbation….

«On ne parle pas de ville ni d’agglomération pour la région de L.A., on parle de South California.»

– À quelle distance de la côte se situe ce contournement?

À environ une douzaine de kilomètres de la côte.

– C’est près, bien trop près… Sinon je ne connais pas particulièrement Rabat… Mais plu­tôt Casablanca, où je suis né. Je vais essayer de vous expliquer en quoi le développement de cette ville me paraît comparable à celui de L.A. Tout démarre en Californie le long de la côte Pacifique, dans un territoire considérable limité à l’Est par des massifs montagneux. On voit apparaître en divers points des germes de ville. Des pueblos mexicains déjà constitués comme LOS ANGELES, SAN BERNARDINO, puis PASADENA, SANTA MONICA. Le port développé à distance implanté par les américains. etc…

maroc-casa-rabat-entretien-avec-bruno-ueysanne-4En schéma le développement de L. A

La distance séparant ces points est consid­érable, de l’ordre de 15 à 20 miles! Très tôt, on assiste à une mise en réseau de ces points, formant comme une constellation reliée par le chemin de fer. Ce qui est primordiale c’est la distance qui les sépare, suffisamment loin les uns des autres, ils se développent de manière sé­parée.

Ce qui est remarquable c’est que l’emprise de ce premier réseau (1870) correspond au ré­seau actuel d’autoroutes urbaines! Le chemin de fer s’est transformé en boulevard qui à son tour devient une voie express… Le long de ce réseau l’espace s’est peu à peu rempli, puis est ap­paru un nouveau à l’intérieur même du précédent: La ville avait suffisamment d’espace pour conti­nuer de grandir. Sont apparus ensuite de nouveaux points eux aussi à distance du réseau, le prolon­geant.

À l’intérieur de la ville,existait encore du vide. De plus, un aérodrome, des usines au milieu de la ville, ces immenses emprises, une fois en déclin, constituent d’immense réserve foncière au milieu de l’agglomération. Charles Moore aimait dire qu’il est absurde de répondre à la question :  à quelle distance habitons nous de l’aéroport? Par rapport à quel référentiel se si­tuer. Il n’existe pas de centre de L.A. mais des centres ! Totalement à l’opposé d’une ville comme Paris ou Lyon. On ne parle pas de ville ni d’ag­glomération pour la région de L.A., on parle de South California.

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Concernant Casablanca, son intérêt réside dans la conception du plan par Prost (dont on fêtera   le centenaire en 2014),pour moi le paral­lèle est  frappant. On démarre par un réseau qui  relie des sites, le   tracé se fait avant  la  ville.   Ces pre­miers équipements sont à l’échelle de la ville naissante :  la gare,le marché etc.. Leur  implan­tation se   fait à distance du centre historique de la médina et du port.

Ce qui se produit, c’est que dans un pre­mier temps, la croissance de  la  ville rattrape ces équipements construits suffisamment loin. Tandis que dans   le même temps sont conçus de nou­veaux équipements adaptés à la nouvelle échelle de Casablanca. Eux aussi  sont mis à distance.Une nouvelle fois la croissance de la ville les rattrape et les intègre.La ville était en avance sur elle-même!Elle se développe à dis­tance d’elle même !

Et cela a été prolongé par les plans sui­vant comme celui d’Ecochard qui développent Moham-média… Je pense qu’une vraie ville dans nature est  têtue! Contrairement à une  ville comme Lyon ou Paris, les boulevards étaient déjà  là! Pas besoin de réaliser des percées,   impliquant des   travaux et un coût énorme!   Pour ces   villes concentriques il   est   impossible de   les   traverser,   les nouveaux réseaux sont obligés de   les contourner.   C’est   la logique du centre.

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Que préconisez-vous pour Casa-Rabat? Peut-on imaginer une région à l’image de South California? L’autouroute est donc trop proche selon vous?

– Oui . La question est comment pensé que ces réseaux  vont générer de nouveaux points?  Là, il ne s’agit pas d’un contournement mais d’un dé­doublement côtier.  Sa conséquence ne sera que d’épaissir la   future tache.   Rappelez-vous !   La distance pour L.A.   était de 15-20 miles!   Ce qu’il faut réussir,   c’est de créer des points de ra­lentissement de   la croissance pour soulager   les points existants.   Par exemple   la   ville nouvelle de Marrakech…   J’ai   oublié son nom….

– Tamansourt, non?

– Oui . C’est beaucoup trop près!   Elle est située à quelle distance de Marrakech par exemple? 7 km! Il  ne s’agit plus d’une ville nouvelle mais d’une future banlieue!

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Quelle est selon vous la manière de faire ces villes nouvelles?

– Au Maroc, tout démarre par  les  infrastructures essentielles, l’eau,  l’électricité,   les circu­lations. Les tracés des rues se font à partir de cela. Le terrain est prêt,  la   ville est   là,  l’ur­banisation n’a plus qu’à se brancher aux réseaux. C’est de cette manière qu’a  été conçue Chandigarh. Partant du palais présidentiel, le premier tracé prêt à être construit,   mais dans les cartons déjà   les extensions suivantes.   La ville encore une fois était en avance sur elle-même !

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nicouer@yahoo.fr

Architecte diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble, Consultant en Innovation, Steve est le fondateur et directeur de publication du webmagaine archicaine.

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